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Motsaïque : histoires et nouvelles composées de petites pièces (en mot, en phrase, en paragraphe, etc.) de différentes couleurs, assemblées et jointoyées avce le verbe ; art de composer de tels ouvrages. Ses histoires ont une beauté brute, sauvage. Du mot inerte, il leur rend la vie. nouvelles textes en ligne

 

 

Les Inhumains

Tous droits réservés par Jack Sigurson

EPISODE 1

L'horizon se meurt dans les derniers rayons du soleil...
Les couleurs du jour s'effacent et n'en laissent qu'une, uniforme et sans âme, celle d'une nuit sans lune.
La température est douce. Il fait bon ce soir.
Kâ, mon frère de voyage, caresse toujours son chat mort contre sa poitrine à cette heure de plénitude où les diurnes se couchent et laissent place aux nocturnes.
Son chat ! Il l'a tué le jour où il l'a trouvé, et depuis il ne s'en sépare plus. Une peau de chat avec quelques rares poils que ses doigts arrachent un peu plus à chaque caresse.
Pourquoi l'a-t-il tué ?
Ce malheureux chat en jouant a voulu griffer Kâ, alors que Kâ désirait seulement lui caresser l'échine. Kâ vida le chat de son énergie vitale avant même que sa patte n'arrive à la hauteur de sa main.
Le chat ne possédait pas l'intelligence nécessaire pour savoir que nous, les Inhumains, nous ne pouvions pas survivre à une blessure même minime sur la planète Terre. Nos organismes se seraient transformés en un immense bouillon bactérien, qui aurait ensuite annihilé nos esprits. Ainsi est notre loi de vie.

Allongé sur un grand siège de repos, je regarde le spectacle du ciel à la tombée du jour. Les étoiles scintillent sur le fond noir de la nuit ; elles brûlent leurs atomes pour donner la chaleur de la vie. Je les admire, je les aime. Je plonge au coeur de cette galaxie avec bonheur. Je pars vers des mondes où la vie n'a plus de sens pour les hommes ; mais une douceur sans égale, une vie immatérielle et infinie.
Cela m'émerveille de voir que sur cette planète les étoiles peuvent être ainsi visibles à l'oeil nu. Notre univers compte peu d'étoiles, il est encore trop jeune à peine un million d'années et toutes n'ont pas encore atteint la maturité de cet univers. Nous n'avons pas d'étoiles dans notre ciel.
Un bruit anormal m'arrache de ma contemplation ! Ce glissement furtif à travers les buissons traduit la méfiance et la peur.
Tous mes sens sont en alerte.
Mon esprit envahit le buisson, la terre, les cailloux, l'herbe et cette petite goutte d'eau suspendue en équilibre sur une feuille, d'où provient le bruit. Kâ, lui, transforme son esprit en ces gaz multiples qui peuplent cette atmosphère et permettent aux humains de respirer et de vivre.
Mes yeux se fixent sur l'intrus. Je suis prêt à le dominer.
C’est un chien !
Je suis surpris... Un sourire se dessine sur mes lèvres.
Mon esprit se calme et mes vibrations corporelles oscillent doucement en émettant des ondes amicales et curieuses. L'animal les a ressenti. Il comprend qu'il n'y a aucun danger et avance vers nous. Quel monde étrange où seuls les animaux comprennent notre langage de l'esprit. Les humains, eux, ne le perçoivent pas, à part quelques exceptions.
Kâ reste immobile. Son regard fixe.
Le chien s'arrête face à moi. Il est magnifique. Son pelage roux sale n'enlève rien à sa superbe. Je viens de décider que ce chien sera mon ami.
Kâ me lance un regard interrogatif.
Le chien dodeline la tête de droite à gauche. Il me jauge. Il a compris mes pensées. Seulement, le chat mort en travers de la poitrine de Kâ ne lui plaît pas, dirait-on. Ses yeux reflètent de l'incompréhension face à ce spectacle. Je décèle en lui un souvenir ancien sur cet adversaire que détient mon frère de voyage entre ses bras.
Kâ comprend et sourit.
Le chien jappe un coup franc et amical. Il tourne sur lui-même en aboyant. Mais, il est prêt à détaler au moindre geste hostile.
Je sais qu'il désire vivre parmi nous, mais son instinct le retient de se livrer pleinement. Il hésite parce que je ressemble à un humain et que les autres humains à l'extérieur l'auraient tué sans hésitation... pour se nourrir de sa chair.
Je monte les marches du perron de cette maison perdue en pleine campagne, que nous habitons le temps de notre mission.
- Je reviens, dis-je au chien.
Il me comprend et s'assoit sur son postérieur. Ses yeux me suivent emplis d'un je ne sais quoi qui me plaît. Il a envie de me suivre, mais son instinct de survie est toujours le plus fort.
J'entre dans la maison en poussant une antique porte en bois et pénètre dans la cuisine juste sur ma droite.

EPISODE 2

Aliss prépare notre repas du soir. Elle choisit les meilleures composantes.
Le translateur de matière recueille les éléments nécessaires à notre alimentation et en sépare le grain de l'ivraie.
Elle me sourit quand elle m'aperçoit et je lui lance :
- Il reste de la viande fraîche ? C'est pour un ami.
Elle se tourne vers moi, ahurie de m'entendre prononcer de telles paroles.
- Un ami ?
- Oui, le chien dehors.
- Un chien ! s'exclame-t-elle avec saisissement.
Elle se précipite sur le perron, pour voir l’animal. Elle n'a fait aucun bruit pourtant le chien a immédiatement bondi sur ses pattes.
- Il est magnifique ! On le garde ? m'implore-t-elle.
Je ne réponds pas. Un sourire me découpe la figure tandis que je prépare le repas de notre nouvel ami.
Je sors de la cuisine avec une gamelle en bois à la main. Le chien n'a pas bougé ainsi que Kâ. L’animal remue légèrement la queue en sentant l'odeur de la viande qui lui titille l'odorat.
- Nous allons le savoir tout de suite, si nous le gardons ou pas.
Je descends les marches normalement. Je m'approche du chien avec la gamelle garnie de viandes diverses. Je m'arrête à deux mètres de lui.
- Tu vois le chien, je ne te veux pas de mal. Je veux que tu restes avec nous. Aliss et moi, voulons que tu deviennes notre ami. Avec nous tu seras en sécurité et tu pourrais nous aider à les trouver aussi. Oui, j'en suis sûr, ton flair ne te trompe pas.
Le chien m'a écouté sans bouger. Cette fois, il avance sans peur vers moi.
- Tu es d'accord ! dis-je en posant la gamelle par terre.
Le chien aboie un coup et commence à dévorer les viandes en remuant la queue tellement fort que nous rions de voir son arrière-train se balancer à cette cadence. Il lève la tête et aboie joyeusement.
- Ne te moque pas de lui, Woo ! me sermonne Aliss.
Je me relève et ordonne à Kâ :
- Allume les lumières de nuit pour les voyageurs de passage.
- J'y vais, raille-t-il.
- Nous partirons demain matin vers la plaine et le fleuve. J'ai aperçu des traces de véhicules à roue sur l'ancienne autoroute. Nous rencontrerons peut-être des humains, depuis le temps que nous les cherchons. Dites-moi monsieur le chien ? dis-je dans sa direction, alors qu’il racle les dernières miettes au fond de la gamelle avec ses crocs.
L’animal stoppe son manège à mon appel.
- Comment va-t-on t'appeler, mon ami ?
Aliss me devance et répond :
- Nous avons le temps de lui trouver un nom, puis s'adressant au chien, il faut que je te lave. Tu es tout crasseux. Suis-moi, dit-elle en claquant sa main sur sa cuisse.
Le chien s'élance derrière Aliss et la suit en trottant à ses côtés.
Aliss prend une grande bassine et l'installe au milieu de la cour. Elle la remplie avec le tuyau d'arrosage en choisissant l'eau chaude sur le robinet. Elle ajoute un antiseptique pour éliminer les parasites que le pelage de notre ami doit avoir en nombre.
- Allez ! Hop ! Au bain, monsieur le chien.
Le chien saute dans la bassine sans hésitation. Par la même occasion, il éclabousse Aliss de la tête aux pieds qui s'amuse à l'arroser avec le jet. Elle rit en lui frottant le dos avec une brosse à cheveux. Même Kâ se fend d'un sourire.
- Je croyais que tu n'aimais pas les animaux, Kâ.
- Ouais ! Mais les êtres intelligents, si ! Je vais jeter cet idiot de chat...
Je regarde Kâ avec surprise, qui s'éloigne en disparaissant derrière la maison.

EPISODE 3

Je me réveille le premier à ce qu'il me semble. Je jette un oeil vers Monsieur le chien qui est couché en travers de la porte, la tête sur ses pattes. Il ne lui faut pas longtemps pour entendre le bruit de mes cheveux sur le traversin. D'un bond, il se remet debout et s'approche près du lit où dort encore Aliss. D'un signe, je lui dis de ne pas faire de bruit. Il comprend.
Suivi de monsieur le chien, je vais à la cuisine préparer le petit déjeuner et les provisions de notre excursion de recherche vers l'ancienne route.
Kâ ne descend jamais avant que le café soit prêt. Aliss le précède toujours d'une seconde.
Dès qu'elle entre dans la cuisine, elle vient m'embrasser à la mode terrienne ce qui n'est pas pour me déplaire. Elle caresse monsieur le chien au passage. Elle fait une bise sonore à Kâ qui n'apprécie guère cette coutume.
Kâ prend son assiette de céréales. Nous mangeons comme les humains. Nous devons nourrir les corps qui nous abritent. Il me donne une tape amicale en signe de bonjour ainsi qu'à Monsieur le chien.
On ne parle jamais le matin. On écoute le vent souffler dans les feuilles, les oiseaux chanter et tous les petits bruits de la nature qui nous entourent. Sur notre planète, il y a le grondement de la terre et c'est tout.
Mon regard se pose sur les fleurs sauvages qui poussent à une dizaine de mètres de la maison. Il y en a de toutes les couleurs, des jaunes, des violettes et des rouges en plus grand nombre. Cette image est magnifique à mes yeux et me revigore l'esprit. Des papillons dansent dans le soleil et s'éloignent portés par le vent. Une belle journée en perspective, les nuages sont loin à l'horizon et s'éloignent vers le nord.

Après notre demi-heure déjeuner, nous sortons dehors sous le soleil qui tape fort déjà. Monsieur le chien gambade autour de nous.
- On va survoler la campagne ce matin avec l'aile volante. On aura davantage de chances de croiser des humains.
- Oui, je le pense ! me lance Kâ.
- Les errants vont prendre peur en voyant une aile Kalgéhun.
- Nous nous poserons avant qu'ils ne la voient, dis-je en souriant. Monsieur le chien voyagera à mes côtés pour qu'il ne soit pas effrayé par l'aile.
Monsieur le chien recule derrière Aliss quand l'aile volante se pose devant nous. Il n'aime pas les voiles diaphanes de l'aile qui se meuvent dans le vent avec grâce et légèreté. Je ressens au tréfonds de lui, ce sentiment d'étouffement qu'il éprouve face à elle.
Ma main le caresse avec tendresse et le rassure.
Je plonge mon esprit au coeur de l'aile. Le contact mental est soyeux, doux comme la brise nonchalante d'un matin d'été. Je partage avec Monsieur le chien cette impression pour qu'il accepte de venir avec nous. Ses yeux sont emplis de joie et sa queue bat le vent avec force.

La vitesse de l'aile est celle de l'esprit, mais nous ne sommes pas pressés. Nous flottons à une allure sympathique pour mieux observer ce monde où de terribles balafres défigurent le paysage.
Monsieur le chien appuie ses pattes sur une voile et fixe l'horizon avec une sérénité qu'il n'avait jusqu'alors jamais connu.
L'air siffle à nos oreilles pour notre plus grand plaisir.
- Un village sur la droite, nous avertit Kâ.
On détourne l'aile sur lui.
- Il n'y a pas d'humains ici. Ce village n'est plus habité depuis des décennies, il ne reste plus que quelques masures rongées par la végétation.
Aliss reste muette. Ses investigations immatérielles ne lui ont rien appris de plus. Si, une seule chose : qu'il n'y a pas eu le moindre passage d'humains depuis fort longtemps.
Après quelques minutes de vol stationnaire au-dessus de ce village, nous reprenons notre route initiale.

L'aile survole maintenant cette route immense, qui s'étire loin au-delà de notre perception, où des traces de plusieurs véhicules terrestres nous prouvent la présence d'humains. Mais leurs ondes sont anciennes et pauvres en signe de vie.
Une odeur végétale nous agresse les sens olfactifs. Ce sont les racines d'un arbre aux feuilles larges qui pourrissent lentement sur la route éventrée de toute part par ses soeurs. Aliss plonge au coeur de l'arbre.
- Des humains ne sont pas loin...
Monsieur le chien jappe un coup nerveux.
L'aile se pose gracieusement dans les herbes hautes de plus de deux mètres. Elles la dissimuleront aux regards étrangers.
Monsieur le chien grogne maintenant. Je lui caresse l'échine pour qu'il se calme. Il arrête et me fixe de ses yeux. Il veut me prévenir de quelque chose et soudain j'entends le son d'un ensemble mécanique. Je lui lance un clin d'oeil.
- Bravo Monsieur le chien, lui lance Aliss.
Un bruit de moteur à explosion se répercute dans le lointain et s'amplifie.
- C'est un gros véhicule terrestre, murmure Kâ.
- Il va nous conduire jusqu'à eux.
Mon esprit entre en symbiose avec l'aile. Elle se déchire en millier de morceaux et chacun d'eux vient sur nous. Ils pénètrent nos corps.
Monsieur le chien partage aussi son corps avec l'aile. Il jappe de plaisir quand elle se métamorphose en lui.

EPISODE 4

L'homme dans la cabine du véhicule sursaute quand il nous aperçoit droit devant lui. Je sens la peur en lui. Ses pensées se brouillent et ses sentiments indiquent qu'il veut d'abord nous supprimer.
Mon esprit envahit le métal de ce... camion. Le nom de ce véhicule vient de s'imprimer dans mon cerveau. Avec douceur, j'envahis l'esprit de l'homme. Il s'appelle Jack le rêveur, ce nom me plaît.
Le camion freine doucement et évite cette fois-ci la racine. L'homme arrête complètement son engin à une centaine de mètres de nous.
Jack est surpris tout autant qu'il a peur de nous. Nous sommes trois et il est seul. Nous sommes un danger parce que nous ressemblons à des humains et il sait que les hommes tuent pour posséder le bien d'autrui.
- Bonjour... murmure Aliss.
Jack voudrait lui répondre mais...
Je titube par la violence avec laquelle Jack m'a repoussé de son esprit. Maintenant, c'est moi qui suis sous le choc de la surprise.
Kâ me soutient et son visage exprime le doute. Je le rassure ainsi qu'Aliss.
- Non, Kâ. Je vais bien. Cet homme a la force de l'esprit, mais il n'en connaît pas toute les subtilités. Il ne savait pas.
- Bonjour...
Cette fois, c'est Jack le rêveur qui vient de parler, accroché d'une main à la portière de son camion. Il ne sait pas qui nous sommes exactement. Pourtant, ses pensées sont multiples et il sent que les êtres qu'il a devant lui ne sont pas ordinaires.
- Tout va bien, me lance-t-il.
Son regard est franc. Ses paroles n'ont dit que la vérité. Il s'inquiète de ma vie parce qu'il m'a vu tanguer sur mes jambes comme si un malaise m'avait soudain frappé.
- Oui, mon ami.
Il fronce les sourcils.
- Ne t'offense pas de mon langage. Nous sommes inoffensifs. Nous voulons seulement aller vers d'autres hommes pour mieux vous connaître.
Le silence s'instaure entre nous. Aliss sentant la cassure proche envoie vers cet homme ses ondes d'amour les plus sincères. Je n'aurais peut-être pas dû être aussi étrange dans mes paroles.
Jack le rêveur fixe Aliss avec un regard inquiet et triste à la fois. Il ne comprend pas pourquoi il vient de tomber si brusquement amoureux d'Aliss. Ses sentiments l'effraient. Il inspire un grand coup pour reprendre le cours normal de ses pensées.
- Qui... qui êtes-vous ? dit-il avec un accent d'inquiétude dans la voix.
- Des étrangers à ce monde, dit Kâ sans ménagement.
Il sait que Kâ vient de lui dire la vérité et il le croit. Même s'il voulait rejeter cette vérité, il ne le pourrait pas parce que son esprit est ouvert vers l'extérieur.
- Même le chien ? dit Jack le rêveur. Sur Terre, ils sont redevenus sauvages et ils sont très dangereux.
- Monsieur le chien est notre ami, dit Aliss. N'est-ce pas Monsieur le chien ?
Monsieur le chien aboie un petit wouah de contentement et remue la tête de haut en bas au plus grand étonnement de Jack le rêveur.
Je sens en cet homme un sentiment de tristesse quand ses pensées dérivent vers un souhait très présent qu'il n'ose espérer.
- Si Monsieur le chien est avec vous, c'est que vous n'êtes pas comme nous, les hommes.
- C'est vrai ! Lance Kâ.
- Ne sois pas si dur avec lui Kâ, le sermonne Aliss.
- Pourquoi avez-vous détruit votre monde ? continue Kâ d'une voix dure.
Les yeux de Jack s'emplissent de colère aux mots de Kâ.
- Et pourquoi ton monde est-il aussi noir Kâ ! gronde Jack le rêveur.
Kâ est saisie par la dureté des paroles de Jack.
- Tu lis au travers de nos pensées ? demande Aliss, émerveillée par ce don que nous ne connaissons pas.
Nous maîtrisons l'esprit, mais nous ne lisons pas les pensées. Pour cela il nous faut envahir la chose ou l'être et récolter son savoir. Et la mort accompagne cet échange.
Jack le rêveur a l'air sceptique.
- Il suffit d'ouvrir son esprit et d'écouter... non... de capter les pensées de l'autre personne sans vouloir les modifier selon son propre point de vue. C'est tout. Je sais maintenant que c'était l'un de vous qui essayait tout à l'heure de prendre le contrôle de mon esprit.
- Tu avais peur et tes intentions nous étaient néfastes, dis-je.
- Je m'en excuse... dit-il en baissant la tête.
Il lâche la portière, la ferme en la claquant pour s'installer au-devant du camion et s'asseoir sur le pare-chocs.
Je décide d'avancer plus près. Monsieur le chien trotte à mes côtés calmement, il ne ressent aucune méchanceté de la part de cet homme.
Kâ l'a senti aussi et il regrette de s’être emporté tout à l'heure. Nous savons que Jack le rêveur ne lui en veut pas, à la manière dont il nous observe venir à sa rencontre le visage ouvert sans autre marque. Et toujours ce regard profond et franc qui me plaît. Il sera notre ami.

EPISODE 5

- Veux-tu être notre ami, Jack le rêveur ?
Il est surpris que je puisse connaître son nom, mais il me sourit.
- Je n'y vois pas d'inconvénient. Je suis si las de la méfiance, du mépris, de la haine que je croise à chaque rencontre avec d'autres humains. C'est différent avec vous. Je ne vous connais pas, mais au fond de moi je sens autre chose...
Aliss s'assoit face à lui et lui prend la main.
- Je sens ton coeur qui bat vite à cet instant. M'aimes-tu ?
Jack le rêveur devient rouge et un léger tremblement s'empare de sa main.
- Ton coeur ne sait pas mentir. Moi aussi, je t'aime. Tu trembles parce que tu as peur de choses qui n'existent qu'en toi. Ouvre encore ton esprit et capte mes pensées, tu y liras que je ne me moque pas de toi. Demande à Monsieur le chien.
Monsieur le chien pose sa tête sur la jambe de Jack le rêveur.
- Je dois faire un rêve. Mon nom l'indique bien...
Nous restons longtemps sans prononcer une parole, en laissant nos esprits entrer en communion avec les habitants de ces lieux.
Le soleil haut dans le ciel nous donne sa douce chaleur et nous écoutons longtemps la vie qui peuplent les alentours, bercé par notre aura de bonheur.
- Qui êtes-vous ? Nous redemande Jack le rêveur.
- Nous sommes ce que l'esprit veut que nous soyons. Nous sommes des Inhumains pour les humains et le contraire pour nous.
- Veux-tu répondre à ma question maintenant ?
Jack regarde Kâ dans les yeux.
- La folie des hommes a détruit ce monde. La Terre s'est retournée contre ses enfants. Elle s'est défendue naturellement en rejetant tout ce que nous avons réalisé de mauvais, en nous le redonnant. L'homme avait perdu le sens de la vie. Il ne vivait plus que par des moyens de substitutions. Et petit à petit, il oublia qu'il vivait sur une planète qui lui donnait la vie et que sans elle, il n'était rien. Mais les hommes en firent une utopie ; une utopie de la seule mère que nous avions et voilà ce qu'il reste de cette civilisation si avancée dans sa bêtise. Maintenant, il ne reste plus que des hommes errants, essayant de retrouver les richesses d'avant. J'ai essayé autour de moi de le faire comprendre, mais les exigences de l'instant ont effacé mes paroles. Ainsi quand il eut été trop tard, peu de gens le comprirent. Aujourd'hui, les survivants me rejettent et ils m'ont donné ce nom : Jack le rêveur. Celui qui rêve que la vie est ailleurs et immatérielle. C'est bizarre, j'avais l'impression à l'époque de ne pas être totalement humain et là maintenant, cette sensation est encore plus forte.
- Tu as raison, je le sens en toi. Tu es comme nous. Ton esprit commande à ton corps et aux choses et non le contraire. Les choses et ton corps ne commandent pas à ton esprit, ils lui sont inférieurs.
- Woo ! Il doit venir avec nous ainsi que Monsieur le chien, lance Aliss. Nous devons quitter la planète, avec eux. Maintenant.
Jack dit avec un pincement au coeur :
- Non... j'aime trop la Terre... Elle est si belle, comme toi Aliss.
- Nous reviendrons souvent la voir. Je viens d'avoir une vision, c'est toi que nous sommes venus chercher, avec Monsieur le chien.
- Mais je ne suis pas comme vous.
- Oh ! Si ! Bien plus que tu ne le penses. Regarde en toi, là où tu as peur d'y trouver une réponse. Ton heure est arrivée de partir vers cet ailleurs où tes pensées t'ont mené si souvent. Tu vas nous y conduire et nous aurons enfin trouvé la vie.
- En es-tu sûr ? me demande Jack.
- Il n'y pas qu'un chemin, mon ami. Je viens de comprendre qu'il n'y a pas qu'une loi sur la vie, qu'il y en a une infinité et qu'elle est partout même dans la mort. L'esprit est le guide. Alors laissons-nous t’emmener vers cet ailleurs que nous sommes venus chercher ici. Nous ne le savions pas quand nous avons quitté notre univers. Nous voulions trouver une planète accueillante pour nos semblables. Ce que tu proposes est mille fois mieux. Laissons ici, ceux qui ne savent pas et emmenons avec nous ceux qui ont compris qu'il est temps de découvrir la vie.
Aliss prit la main de Jack le rêveur et la mienne.
Ce contact charnel nous réunit par l'esprit et Jack apprit que nous étions déjà morts.
Le brusque mouvement de Jack qui se sépare de notre groupe nous tétanise. Un instant d'effroi nous enveloppe. Il est la clé de notre vie.
- Non... Je veux leur apprendre pour qu'il ne recommence pas la même erreur.
- Je suis d'accord ! lance Aliss qui enlace Jack le rêveur et referme le cercle.

Quatre corps humains et celui d'un chien cessèrent de vivre à cet instant. Le temps s'arrêta pour marquer cet instant et la joie envahit les lieux, parce que la vie était partout et qu'elle était aussi ailleurs...

FIN

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